Avec ce nouveau rendez-vous mettant en lumière la collection « Les carnets du Train Jaune », le Parc naturel régional des Pyrénées catalanes vous propose une rétrospective, un voyage dans le temps au travers de la construction de la ligne du Train Jaune et de son histoire. Cette collection est le fruit d’une collaboration entre le Parc naturel régional des Pyrénées catalanes et les historiens Pierre Cazenove et Jean-Louis Blanchon, en coédition avec les éditions Talaïa.
Dans cette seconde partie, si les conversations vont bon train après l’accident du Paillat, les travaux ne s’en poursuivent pas moins…
L’ouverture de la ligne Partie 1 – Villefranche / Mont-Louis
La mise en exploitation de Villefranche / Mont-Louis n’attend que le feu vert du ministre. Entre Mont-Louis et Bourg-Madame, les ouvriers travaillent au ballastage et à la pose de la voie. Bientôt, la Cerdagne apprend que la ligne ouvrira le 1er juillet 1910. Hélas, la fonte des neiges et les pluies causent plusieurs éboulements sur la RN 116 mais aussi entre Olette et Nyer et près du pont Gisclard. Le mois suivant, en juin, de nouveaux éboulements emportent ou détériorent le 3ème rail et la ligne à haute tension, sur quelque distance.
On retarde donc l’exploitation au 18 juillet 1910 ou l’enthousiasme des populations éclate sur toute la ligne. César Boyer, correspondant de L’indépendant écrit ce jour-là : «C’est la grimpette patiente, sûre et délicieusement glissante vers les hauts plateaux pyrénéens (…) Nous dépassons tour à tour la gare de Joncet proprette comme un sou, celle d’Olette dont le jardinet pimpant sous le soleil fait l’admiration générale, la balade de Nyer blottie près d’un viaduc dans un décor d’opérette, celle de Thuès-les-Bains qui surplombe le torrent aux eaux tumultueuses ; nous franchissons le Pont Séjourné, le Pont Gisclard, Fontpédrouse et nous voici à la gare de Mont-Louis / La Cabanasse… »
La compagnie du Midi ne dispose encore que de deux automotrices munies du frein électromagnétique imposé après l’accident du Paillat. Ils gardent l’une en réserve et l’autre arrive de Mont-Louis, à 7h15 avec 20 voyageurs. Elle peut en transporter 50, ce qui ne peut satisfaire la foule qui attend à Villefranche. De nombreux Perpignanais veulent faire l’ouverture ; les quatre premiers billets délivrés à destination de Mont-Louis sont pris par le docteur Janicot, Pierre Deit, directeur du Comptoir céramique, René Badie, serrurier, Aliet, charcutier de Perpignan.
Avec eux montent, Jules Lax, Bes de Berc, Malterre, Rivière, Garau, Marquebielle, Lhériaud, Achard, Delprat, Cullière, Bernard-Bernard, Emmannuel Brousse et sa famille ect.
Tout le pays se presse le long de la voie et dans chaque gare. A Mont-Louis, dans une gare noire de monde, la cobla joue La Marseillaise près du conseil municipal. Les enfants des écoles et Monsieur Rous, instituteur de La Cabanasse, agitent frénétiquement de petits drapeaux français ou soulèvent des bouquets. Le train s’arrête ; le maire, Monsieur Delcasso, fait applaudir l’inévitable discours ; les enfants des écoles entonnent des chœurs fort appréciés. Au cours de l’apéritif d’honneur, au café du pont, se portent mille toasts tels que : « Levons nos verres, messieurs ! Comme Catalans, buvons à la prospérité de notre haut arrondissement Comme français, buvons à la grandeur de la République ! »
A 10h48, le deuxième train de la journée retourne à Villefranche. A 15h, après le café d’honneur au Grand café de la gare, la cobla joue Le chant du départ tandis que part le troisième et dernier train. Toute la journée ce ne sont que musiques, danses, cris à la gloire de Brousse et de Lax. Le soir, un feu d’artifice éclaire les hauteurs dominant la gare. La fête se prolonge tard dans la nuit. La Cerdagne exulte ; c’est un grand jour pour Brousse et Lax ; Jules Escarguel rappelle qu’on a osé les traiter d’assassins après l’accident du Gisclard, que Dalbiez les a accusés « d’avoir déversé dans notre département les millions du budget national. »
La ligne connaît aussitôt un immense succès. La gare de Mont-Louis ne désemplit pas. On y dénombre 180 voyageurs le 23 juillet. Le train est si bondé que la diligence doit continuer son service !
Le 06 août 1910, Emmanuel Brousse obtient la mise en service de deux automotrices. Osséja attend une saison exceptionnelle et craint même une insuffisance des logements disponibles.
Le 15 août, les Chemins de fer délivrent des billets à demi-tarif. 122 voyageurs se serrent dans le train du matin. Les hôtels doivent refuser du monde. Le premier mois d’exploitation, 30 000 voyageurs sont passées à la gare de Mont-Louis. Certains continuent leur route vers Bourg-Madame dans une automobile (5 F par place).
« La gent de Cerdanya » est trop heureuse pour s’inquiéter de quelques anicroches : un éboulement à l’entrée du pont Gisclard en septembre, un déraillement à Planès en mars 1911, un éboulement entre Thuès et Planès en avril, une immobilisation pour manque de courant à la fin de ce mois.
Plus cruel est l’accident de Pierre Bolo, ouvrier électricien d’Axat. En septembre 1910, à Villefranche, il pose la main sur le 3ème rail et meurt électrocuté.
Dans un premier temps, le train ne transporte que les voyageurs. En novembre 1910, après maintes réclamations, chacun se réjouit de voir des wagons affectés aux marchandises.
Extrait du livre
Les Carnets du Train Jaune
Tome 1 – Quand naissait le Train Jaune
Auteurs : Jean-Louis Blanchon – Pierre Cazenove
Parc naturel régional des Pyrénées-catalanes / Éditions Talaia
Juin 2012
Collection complète en consultation et / ou en vente à la Maison du Parc naturel régional des Pyrénées-catalanes, à Olette (66210, La Bastide).