Avec cette rubrique et la collection « Les Carnets du Train Jaune » (Ed. Talaia), nous vous proposons une rétrospective, un voyage dans le temps au travers de la construction de la ligne du Train Jaune et de son histoire. Cette collection est le fruit d’une collaboration entre le Parc naturel régional des Pyrénées-catalanes et les historiens Pierre Cazenove et Jean-Louis Blanchon.

Dans cette seconde partie, nous vous proposons de revenir plus en détail sur une des prouesses techniques de la ligne du Train Jaune : la construction du pont Gisclard !

La catastrophe du 31 octobre 1909

Les essais du 31 octobre 1909

Le pont suspendu rigide de la Cassagne système « Gisclard » est en fait un prototype grandeur nature. Il va permettre de vérifier si les calculs qui ont autorisé sa conception révolutionnaire, répondent aux normes imposées par le ministère des Travaux Publics. Les épreuves officielles qui doivent valider l’ouvrage d’art vont avoir lieu les 30 et 31 octobre 1909. Cette certification est nécessaire pour l’ouverture de la ligne et permettre son exploitation commerciale par la Compagnie des chemins de fer du Midi qui en a obtenu la concession.

Gabriel Borrallo, conducteur des Ponts et Chaussées, s’affaire auprès d’un enregistreur à bande, directement relié à un hauban. © Archives Musée de Cerdagne

Le constructeur du pont, Ferdinand Arnodin, son gendre l’ingénieur Gaston Leinekugel Le Cocq, et Albert Gisclard sont présents lors des épreuves du samedi 30 et du dimanche 31 octobre 1909. Après un passage à vitesse réduite sur le pont (22 km/h), le convoi rebrousse chemin au pas de l’homme et stationne quelques instants au milieu du tablier. Celui-ci était chargé de 35 tonnes de traverses de chemin de fer disposées régulièrement sur toute la longueur de l’ouvrage. Le convoi sera ensuite scindé en deux parties égales, dont l’une circulera à plusieurs reprises sur le pont pour effectuer de nouvelles mesures puis se dirigera vers Mont-Louis / La Cabanasse. L’autre moitié du convoi, devant conduire les ingénieurs et le reste du personnel à Fontpédrouse, stationnera pendant une heure environ en aval du pont.

La catastrophe du 31 octobre 1909

Les essais officiels d’homologation sont tout à fait satisfaisants et répondent aux normes fixées par le ministère des Travaux Publics. Hélas, alors que les ingénieurs et le personnel qui se préparent au départ vers Fontpédrouse terminent leurs mesures et le rangement du matériel, le convoi, sous la responsabilité de l’ingénieur François-Joseph Lhériaud, part inopinément à la dérive. Après quelques minutes d’une course folle, il la finira environ 700m plus loin, en s’écrasant contre les parois de la montagne. Nous sommes le 31 octobre 1909 un peu avant 13 heures.

Cinq personnes et Albert Gisclard (qui laisse une veuve et trois orphelins) trouveront la mort dans cette terrible tragédie. François-Joseph Lhériaud (ingénieur de la traction), Ferdinand Arnodin, et Gaston Leinekugel Le Cocq (qui sautera du convoi en marche), comme François Calvo agent de la Cie.du Midi, ainsi que cinq autres passagers, ne seront que blessés.

L’accident est le résultat d’une succession d’erreurs humaines. Deux hommes sont au cœur de la polémique qui s’instaure lors de l’enquête et du procès afin de déterminer les responsabilités de chacun : François-Joseph Lhériaud, ingénieur, chef de traction (employé de la Compagnie du Midi), prétend ne pas avoir donné l’ordre d’enlever les cales qui servaient à immobiliser le convoi et Calvo (employé des Ponts et Chaussées) dit l’avoir entendu… Le train est-il parti en glissant tout frein bloqué comme on le lit si souvent ? La vérité est certainement différente. Dès le lendemain du drame, le freinage et la sécurité sont à l’origine de la polémique qui ne tarde pas à faire rage. © Archives Didier Chénot