Avec ce nouveau rendez-vous mettant en lumière la collection « Les carnets du Train Jaune », la Parc naturel régional des Pyrénées catalanes vous propose une rétrospective, un voyage dans le temps au travers de la construction de la ligne du Train Jaune et de son histoire. Cette collection est le fruit d’une collaboration entre le Parc naturel régional des Pyrénées catalanes et les historiens Pierre Cazenove et Jean-Louis Blanchon, en coédition avec les éditions Talaïa.

Dans cette première partie, avant le début de l’édification de la ligne, abordons les difficultés de déplacements éprouvées au début du siècle dernier par les habitants des hauts-cantons des Pyrénées-Orientales. Ces difficultés étaient exacerbées par le climat et la rigueur d’une vie en altitude.

Avant la ligne…

L’inconfort de la diligence, la durée des déplacements, les dangers de la route en hiver, expliquent l’attachement des Cerdans aux projet du Train Jaune. Ils ont encore à l’esprit ce mois de janvier 1895, si fertile en incidents. Le 3 janvier, la diligence part à une heure de l’après-midi, de Mont-Louis vers Prades :

« Arrivés à 1km de Mont-Louis, à peu de distance du pont dit de Fetges, les trois chevaux de la volée, aveuglés par le tourbillon qui s’est produit à ce moment, ont tourné brusquement et ont sauté le parapet d’une hauteur environ de 7m m ; les deux chevaux attelés au timon ont suivi. Heureusement, le timon a cassé et la voiture seule est restée sur la route, arrêtée par le parapet du pont, suspendue sur l’abîme. Un cheval a été tué sur le coup. Les quatre autres n’ont absolument rien eu. Le postillon Giraud Codong qui remplaçait le conducteur en Cerdagne et les trois voyageurs n’ont eu aucun mal. »

Le franchissement du col de la Perche est dangereux pendant la période hivernale. C’est la limite géographique entre les bassins d’alimentation de la Têt et du Sègre. C’est précisément l’endroit sur lequel géographes et historiens s’opposent parfois pour délimiter Conflent et Cerdagne. Le traité de Llivia (12 novembre 1660) n’incluait-il pas, La Perche, Saint-Pierre-dels-Forcats, Vilar d’Ovensa et Planès dans les villages faisant partie de la Cerdagne ? © Collection François Weinberg

Le 5 janvier, « deux hommes à cheval traversent le col de la Perche par un temps épouvantable et au péril de leurs vies, emportant chacun une partie du courrier. »

Le 6 janvier, une tartane réussit, en six heures, à conduire le courrier de Mont-Louis à Prades. Il n’est guère que les militaires, bloqués à Fontpédrouse à leur retour de permission, pour se réjouir de cette situation.

Le 11 janvier, la voiture verse devant Fetges. Matériel, bêtes et hommes, rapidement ensevelis, doivent à une équipe de cantonniers, qui a vu l’accident, de s’en tirer à bon compte.

Plus cruelle est l’histoire de Joan Turet, de Maranges, un jeune homme de 25 ans. Près de Ger, il est pris dans un tourbillon avec sa mule chargée de sabots. La bête revient seule. Le cadavre de Turet sera retrouvé au lieu dit Creu Roja.

Les anecdotes se suivent. En janvier 1900, une roue brisée avant Villefranche force tous les voyageurs à gagner la gare à pied. Les 150 permissionnaires de Mont-Louis qui, en avril, descendent à pied prendre le train à Villefranche, doivent attendre la ligne avec une légitime impatience.

Avant de se tourner vers le tourisme, la ville fortifiée de Mont-Louis, dont le territoire communal est confiné à l’intérieur des murailles construites par Vauban, a toujours vécu repliée sur elle-même, au rythme de la garnison militaire qu’elle abritait. Aujourd’hui, la citadelle héberge le Centre national d’entraînement commando (CNEC). Depuis 2008, la ville fortifiée est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. © Collection François Weinberg

En avril 1902, la diligence arrive en retard et les voyageurs manquent le train. En janvier 1905, à Villefranche, devant la caserne, avant la porte de France, les chevaux de devant glissent « sur une nappe de glace qui s’est formée dans la nuit par suite du barrage d’un caniveau » et tombent.

Devant ces faits, on comprend que Saillagouse le prenne assez mal quand la Salanque fait pression sur les élus, Vilar et Delcros, pour que la ligne de Rivesaltes au Barcarès soit préférée à celle de Cerdagne. Saillagouse ironise d’abord : « Ah ! Si la Salanque était dans la Cerdagne ! » puis précise, « une crise terrible sévit depuis plus de vingt ans sur toute la Cerdagne. Le bétail et le seigle, les deux seuls produits du pays, se vendent à des prix dérisoires. La population a diminué de 1 500 habitants. Beaucoup s’expatrient et ceux qui restent ne vivent qu’à force d’économie (car le Cerdan en général, ne va point au café, est modestement vêtu et mange toute l’année du pain de seigle), ils n’ont pas leurs villages éclairés à l’électricité et communiquent avec leur chef-lieu d’arrondissement par une mauvaise patache que quelques-uns appellent diligence. »

Avant l’arrivée du chemin de fer en Conflent et Cerdagne, la diligence est le seul moyen de transport pour les personnes et quelques marchandises vers Villefranche et le Roussillon. Pour le transport du bois, du charbon, et des marchandises de toutes sortes, on faisait appel aux muletiers (« traginers ») et à de solides attelages de mules ou de boeufs.  » © Collection François Weinberg

Extrait du livre

Les Carnet du Train Jaune

Tome 1 – Quand naissait le Train Jaune

auteurs : Jean-Louis Blanchon / Pierre Cazenove

Parc naturel régional des Pyrénées-catalanes / Editions Talaia

Juin 2012

Collection complète en consultation et/ou en vente à la Maison du Parc naturel régional des Pyrénées-catalanes, à Olette (66360, La Bastide).